Jean-Jacques Aillagon
Président de l’Établissement public
du musée et du domaine national de Versailles
On sait quelle importance avait le décor de la galerie des Glaces pour Louis XIV : le roi fit changer au dernier moment le projet de Charles Le Brun sur le thème d’Hercule ; il voulait que la métaphore laisse place à l’Histoire, son histoire : la réforme des finances, celle de la justice, la protection accordée aux beaux-arts, et surtout la « grande guerre », celle qui opposa le souverain aux Provinces-Unies, la république qui défiait les monarchies du Grand Siècle.
Les sujets des peintures constituent une charge contre l’Espagne et l’Empire alliés aux Provinces-Unies : les « puissances ennemies »… malgré la demande de Colbert qui avait souhaité qu’on ne peignît rien « qui fût trop onéreux aux puissances étrangères ». Le lion de l’Espagne est renversé, celui de la Hollande est meurtri par la serre de l’aigle impérial montrant ainsi ce que lui coûtaient les secours ; on discerne les œuvres de Machiavel près de la « Politique espagnole » et de la devise de Charles Quint. Téthys enchaînée représente la domination maritime des Provinces-Unies, tandis qu’un roi « des Indes » à qui l’on arrache sa couronne auprès d’un palais en flammes symbolise les pillages espagnols dans le Nouveau Monde.
Louis XIV reste immobile au milieu du tumulte dans une tranquillité souveraine : il tend la main à la Franche-Comté, il lève le foudre pour terrasser Gand, il ordonne le rétablissement de la navigation. À douze mètres de hauteur, le message, saturé de symboles, codifié par les gestes et les couleurs, est destiné à la Postérité elle-même. Internet permet ici, grâce à une navigation intuitive fondée sur le zoom, de donner facilement les clefs de lecture au public le plus vaste, de faire redescendre Louis XIV de l’Olympe. Le site permettra à l'amoureux de Versailles d'approfondir sa connaissance, au simple curieux de préparer sa visite de ce lieu si magnifiquement restauré grâce au mécénat de Vinci.
Les grands décors de Versailles étaient une consolation pour le roi dans les moments difficiles du règne : c’est ce que suggère avec humour Sacha Guitry dans Si Versailles m’était compté, dans la scène où Madame de Maintenon promène Louis XIV dans sa chaise roulante ; le roi lève les yeux au ciel, et Madame de Maintenon de lui demander : Sire, vous priez ? – Non, Madame, j’admire les plafonds…
Auteur : Jean-Jacques Aillagon
© Coproduction RMN – EPV, 2008