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/ p. 14 / Après avoir envoyé plusieurs de mes lettres des morceaux séparés touchant la peinture des plus éclatants endroits de Versailles, et vous en / p. 15 / avoir fait l’entière description dans la seconde et troisième partie de la relation de l’ambassade de Siam en France, je vous envoie celle des deux salons qui sont aux deux bouts de la grande galerie du même château. Comme ils ne sont achevés que depuis fort peu de temps, je n’ai pu vous en faire part plutôt. Ces deux salons ont été peints par M. Le Brun. Si on peut les voir sans admirer la beauté et la force de son pinceau, ainsi que la vivacité de ses expressions, je crois qu’on en pourra lire la descri- / p. 16 / ption sans donner de nouvelles louanges à son excellent génie. Je devrais vous en lire davantage, mais en lisant la description de ces deux salons, vous ferez vous-mêmes les réflexions que cet ouvrage demande.
EXPLICATION
Des deux salons de la galerie de Versailles
On trouve aux deux bouts de la galerie de Versailles les deux salons, aboutissant aux appartements du roi et de Ma- / p. 17 / dame la Dauphine. Celui du côté des appartements de Sa Majesté est nommé salon de la Guerre, et l’autre, salon de la Paix. Tous les ornements de sculpture de l’un et de l’autre sont de bronze doré, et conviennent au sujet que M. Le Brun a représenté dans ses voûtes. Sur le couronnement des portes du salon de la Guerre, les masques des Saisons signifient que l’air brûlant ou glacé n’a pu retarder la rapidité des conquêtes de notre monarque, qui a toujours vaincu, et dans tous les mois de l’année. / p. 18 / Les couronnements des portes du salon de la Paix sont enrichis de têtes de Muses, qui marquent les sciences, et les beaux-arts qu’il soutient et fait fleurir par sa magnificence. Quatre tableaux cintrés représentent, sur les faces de la voûte du salon de la Guerre, Bellone qui détruit et renverse tout, et les trois puissances ennemies de la France armées vainement contre elle. Tous ces tableaux sont enfermés dans de riches bordures de palmes entortillées de branches de laurier, et les angles / p. 19 / sont décorés de globes fleurdelisés, avec des couronnes royales, accompagnés de trophées d’armes en relief doré. Au-dessus des globes, des enfants colorés embouchent des trompettes pour publier les triomphes de cette monarchie victorieuse, et soutiennent des cartouches à fond vert, rehaussés d’or, avec la devise du prince qui la gouverne.
I. Tableau, dans la coupe
Le premier tableau est au milieu de la voûte. On y voit la France sur un nuage, la fou- / p. 20 / dre en main. L’image du roi est peinte sur son bouclier, dont la force et la vertu, égales à celui de Minerve, la mettent à couvert de tous les coups que ses ennemis lui veulent porter, la défendent de tous les efforts, confondent tous leurs projets, et cette tête précieuse, en la conservant, produit toutes les victoires gagnées par ses généraux, et qui sous la forme de belles filles ailées, et couronnées de laurier, semblent s’élever vers elles les marques des lieux où elles ont été remportées. Celles qu’on ap- / p. 21 / erçoit sous le nuage qui soutient cet invincible monarque élèvent deux tableaux où l’on a représenté, dans le plus large, Fribourg pris par M. le maréchal de Créquy, et dans l’autre la bataille de Sinzheim, donnée par M. le maréchal de Turenne. Une Victoire éclatante par la vivacité de ses draperies jaunes et blanches, qui la rendent remarquable, tient des palmes dans l’une de ses mains et dans l’autre une pique et des cordons qui soulèvent un tableau de la défaite des troupes d’Allemagne que M. le maréchal / p. 22 / de Turenne force à repasser le pont de Strasbourg. Une autre Victoire aide à soutenir ce tableau, et par une seconde Victoire on a prétendu marquer que cette bataille fut grande et remportée sur presque tous les princes de l’Empire. Une autre s’élève au-dessus de celle-ci. Elle porte un étendard rouge aux armes du prince d’Orange. Les trophées de plusieurs places conquises posés sur la bordure garnissent l’espace entre ces Victoires et trois autres, dont l’une tout entière, élève un étendard / p. 23 / vert armorié de Lorraine. La seconde est pour la prise de Luxembourg. Elle tient un bouclier aux armes de cette place ; et la troisième porte dans ses mains des palmes et des lauriers pour couronner le vainqueur. Un autre groupe de trois Victoires, dont la principale, très belle et vue par-devant, tient les armes de Strasbourg, semble tranquillement assise sur des trophées pour faire entendre que cette place a reconnu le roi pour son souverain pendant la paix. La seconde lève un tableau de la / p. 24 / prise de Sélestat ; et la troisième porte sur son épaule un trophée de plusieurs places de moindre conséquence, que les armées de Sa Majesté ont soumises dans les premières campagnes. Une dernière Victoire emporte la dépouille d’un des chefs ennemis pour exprimer la prise de plusieurs princes et généraux.
II. Tableau, sur les fenêtres opposées à la cheminée
Ce salon portant le monde, la Guerre, on a formé dans le premier des quatre tableaux / p. 25 / qui sont au-dessous du milieu de la voûte une juste idée du désordre et du ravage qu’elle porte partout. On y voit cette déesse terrible et menaçante accompagnée de la Rébellion et de la Discorde ; son casque est formé d’une tête de lion, sur lequel un monstre soutient une queue couleur de feu. Sa draperie de même couleur marque son ardeur pour le sang et le carnage. Elle tient l’épée d’une main, et son bouclier de l’autre. Sur le bouclier est peint un lion dévorant un taureau. / p. 26 / Son char est rapidement traîné par des chevaux fougueux qui se mordent, foulant sous leurs pieds des armes, et l’Autorité, figurée par un homme renversé. Un soldat ayant un chat sur son casque exprime la Rébellion. Son action est pleine de présomption et d’orgueil. Il élève une pique d’une manière menaçante. Entre les débris de plusieurs bâtiments on voit la balance de Thémis renversée. Ses tribunaux sont démolis, ses arrêts sont impuissants, et sa voix n’est plus entendue. La Religion, / p. 27 / dont l’habit blanc marque la pureté, est abattue et ne peut se relever. Les vases sacrés sont brisés, les autels détruits, et la discorde, la tête entourée de serpents, porte partout le feu. Elle embrase tous les lieux par où elle passe avec les flambeaux qu’elle tient dans ses mains. La Charité, en fuyant, cherche une retraite pour sauver un enfant qu’elle tient entre ses bras, et toutes ces choses, et des hommes effrayés marquent la juste crainte que la guerre sanglante répand dans tous les cœurs.
/ p. 28 / III. Tableau, sur la cheminée
Dans ce tableau l’Allemagne se couvre de son bouclier, tenant l’épée nue, dont elle prétend défendre la couronne impériale qui est près d’elle. Elle paraît effrayée, regardant avec étonnement la Victoire, qui du milieu de la voûte lui montre le tableau où sont représentées ses armées, sur lesquelles elle avait fondé de hautes espérances et formé de vastes projets, forcées de repasser le pont de Strasbourg et de chercher leur / p. 29 / sûreté dans le sein de ses États. Son aigle en paraît tout éperdu, et semble vouloir s’envoler. Des soldats morts, et d’autres renversés sur des canons, marquent le monde que lui a coûté cette guerre. Un officier élève l’étendard de l’Empire pour assembler de nouvelles troupes. Des trompettes sonnent l’alarme ; des soldats s’efforcent de frapper ; d’autres fuient, et cette variété d’actions fait voir le désordre de ses armées.
/ p. 30 / IV. Tableau, sur les fenêtres opposées à la galerie
L’Espagne tient une pique dont elle semble vouloir attaquer la France, qu’elle regarde avec colère. Son lion s’élève en rugissant contre elle, pour faire entendre qu’elle n’a perdu aucune occasion d’attaquer cette monarchie. Des chefs, des soldats renversés et plusieurs qui fuient font connaître sa défaite. Un officier élève le guidon de Castille, dont il voudrait frapper, mais un éclat de tonnerre le renverse, / p. 31 / et sa chute montre la faiblesse de ce royaume. Dans le milieu du tableau plusieurs étendards de différentes couleurs joints ensemble sont l’idée des princes que l’Espagne appela à son secours ; et pour marquer les places, les armées et les machines qu’elle opposa pour défendre ses provinces, on a feint des instruments de guerre, des forteresses qui font feu de tous côtés, et des soldats faisant d’inutiles efforts.
/ p. 32 / V. Tableau, sur la porte de la galerie
Dans le dernier tableau du salon de la Guerre, l’effroi est peint sur le visage de la Hollande. Elle se couvre en vain de son bouclier pour se garantir des éclats du tonnerre qui la font tomber sur son lion tremblant, qu’on remarque dans une action pleine de crainte. Il tient peu de flèches ; celles qui lui ont échappé signifient les provinces conquises par la France. Sur le devant du tableau une figure / p. 33 / armée, le corps à moitié dans l’eau d’où elle semble sortir, élevant l’étendard de la Hollande, est l’image des secours et des inondations auxquels les États furent réduits pour sauver ce qui leur restait de places. Des soldats couverts de leurs boucliers, et le sabre en main, menacent la France qui les renverse d’un coup de foudre, aussi bien que les vaisseaux sur lesquels ils sont, dont les équipages et les ballots tombent dans la mer. D’autres figures épouvantées de la tempête et des vaisseaux brûlants / p. 34 / signifient le désordre de son commerce et de sa marine, et rappellent la mémoire de ce qui se passa à Palerme.
SALON DE LA PAIX
On voit régner dans le salon de la Paix la douceur et le plaisir. Les mouvements de joie et de satisfaction ont calmé le trouble et le désordre que les passions les plus violentes ont excités dans l’autre salon, et les puissances qu’on y voit seulement occupées de la fureur des armes, lasses d’une guerre infructueuse, / p. 35 / s’empressent en celui-ci de recevoir la paix. La peinture y forme une vive image des avantages que l’Europe en général, et ses puissances en particulier, en ont reçu. Les occupations de ces Nations, leurs divertissements et leurs coutumes y sont ingénieusement marqués. On y voit le rétablissement de la Religion, de la Justice, des Arts, du Commerce et toutes les Vertus qui semblent abattues et détruites dans le Salon de la Guerre, triomphent en ce Salon des vices que la Paix renverse. Les / p. 36 / bordures de ces tableaux sont composées de fleurs et de fruits, et dans les angles on a placé des lires accompagnées de caducées et de cornes d’abondance, pour exprimer l’accord et la fertilité d’un si heureux temps. Les enfants peints au-dessus des lires portent des sceptres et des mains de justice, et soutiennent des cartouches avec les armes de France, ou de Navarre, ornées de festons de fleurs et de fruits, pour exprimer le bonheur de ces royaumes, que la puissance soutient, la Justice gou- / p. 37 / verne et l’abondance enrichit.
I.
Le premier tableau est dans le milieu de la voûte où l’on voit la France assise sur un globe posé sur un char tiré par des colombes. Elle tient le sceptre d’une main et le bouclier de l’autre, ordonnant à la Paix de descendre sur les Nations qu’elle lui montre avec son sceptre. Cette divinité est couronnée de branches d’olivier. Elle tient le caducée, et regarde la France en lui marquant de la main qu’elle part pour obéir à ses / p. 38 / ordres. L’Immortalité couronne cette monarchie du cercle de la Gloire. Elle soutient auprès d’elle la pyramide qui marque son élévation jusqu’au ciel, et que sa mémoire ne périra jamais. L’Abondance couronnée de fleurs et de fruits tient la corne fertile d’Amalthée, et tire une corbeille que lui présente un Amour, des festons de fleurs pour orner le char, auquel deux amours assemblent des tourterelles sous le joug de l’hymen. L’un de ces Amours unit ensemble ces / p. 39 / deux tourterelles qui sont liées avec des cordons bleus qui leur tournent autour du col, et d’où pendant des médailles de France et de Bavière, pour signifier le mariage de Monseigneur et de Madame la Dauphine. L’autre Amour joint des tourterelles attachées avec des cordons rouges, et les médailles de France et de Castille, pour l’union du roi d’Espagne et de Mademoiselle d’Orléans. Un troisième Amour semble sortir de la bordure et s’élever avec empressement pour ranger sous un / p. 40 / semblable joug deux tourterelles qu’un feston de fleurs joint ensemble pour l’alliance de Monsieur le duc de Savoie et de Mademoiselle de Blois. L’Hymen couronné par les Grâces tient son brandon, qui brûle d’un feu vif et pur, autour duquel il attache les festons qui rassemblent sous son joug les oiseaux fidèles et sensibles, et que les poètes ont toujours pris pour symbole de la constance et de la tendre amitié. La joie publique de tant d’heureuses alliances et de la paix est repré- / p. 41 / sentée par une femme couronnée de lierre, qui rit en jouant des castagnettes et du tambour de basque. Les cris et les acclamations publiques sont marqués par quantité de grelots dont ses bracelets sont formés et qui bordent ses manches, et l’Amour des plaisirs joue d’une cymbale antique. La Concorde couronnée de fleurs tient sa grenade. Elle poursuit avec son faisceau la Discorde et l’Envie. La Religion regarde le ciel, son unique espérance. Sous son autel, l’Hérésie tenant son / p. 42 / masque est écrasée sur ses livres. L’Innocence paraît tranquille ; le mouton qui exprime sa douceur est à ses pieds, et l’on voit sur son visage son repos intérieur. La Magnificence présente à la France les desseins de superbes bâtiments qu’elle prépare. Les instruments des arts et des cornes d’abondance, d’où sortent confusément des sceptres, des couronnes et des trésors, sont répandus à ses pieds, pour témoigner sa libéralité et son pouvoir. Toutes ces figures donnent une idée générale des / p. 43 / avantages de la paix ; et les quatre autres tableaux laissent voir les biens particuliers que chaque Nation a reçus.
II. Tableau, sur la cheminée
Dans celui qui est au-dessus de la cheminée on voit les grands avantages que la Religion en a tirés. On découvre au milieu du tableau l’Europe tranquille. Son casque marque sa valeur, et sa corne d’abondance sa fertilité. Elle tient la tiare, qui la fait reconnaître pour cette partie chrétienne, qui par la paix que la / p. 44 / France vient de lui donner, triomphe de l’Empire ottoman, dont les dépouilles sont sous ses pieds. À sa droite la Justice porte sur son diadème une étoile qui marque son origine. Elle tient sa balance dans l’équilibre, parce qu’elle a réglé tous les différends qui causaient la guerre, et porte son épée droite, pour retenir par la crainte ceux qui oseront enfreindre les articles qu’elle a dictés. À l’ombre de cette protectrice du repos et de la paix, des enfants représentent le rétablissement des arts que / p. 45 / la guerre avait interrompus. La Peinture et la Sculpture s’étudient à marquer leur reconnaissance, en formant pour la postérité des bustes et des tableaux du prince qui les élève et qui les soutient. La Géométrie s’applique à tracer les plans de ses superbes bâtiments ; on voit un enfant badiner sur un canon qui sert pour annoncer la paix, après avoir servi à déclarer la guerre. On en remarque un autre qui dompte un cheval pour exprimer l’exercice de la noblesse, et leur préparation / p. 46 / pendant la paix pour les guerres à venir. Des jardins dans l’éloignement signifient que tout renaît et reverdit dans un si heureux temps.
À la gauche de l’Europe, la Piété regarde le ciel avec ferveur, élevant une cassolette dont la fumée qui monte en haut est l’idée de la prière. Sa tête est voilée, parce qu’elle voudrait se cacher au monde, et que ses actions les plus saintes et les plus éclatantes fussent ignorées des hommes et connues seulement de Dieu. Sa flamme et ses ailes expriment son / p. 47 / ardeur et sa diligence à donner du secours ; c’est ce que représente une bourse ouverte dont elle assiste les indigents figurés par des enfants nus qui prennent de l’or de la bourse et ramassent des fruits qu’elle a répandus pour subvenir à leur nécessité. On voit près d’elle un autel antique sur lequel brûle le feu pur d’un sacrifice saint. Un enfant à genoux devant l’autel signifie le culte divin ; il joint les mains en s’inclinant d’une action pleine d’attention et d’humilité. Dans l’éloignement, on découvre un temple / p. 48 / et sous de grands arbres un enfant lit attentivement, pour représenter la solitude des religieux, que la guerre avait dispersés, et que la paix a rétablis dans leurs retraites.
III. Tableau, sur les fenêtres opposées à la galerie
Dans le troisième tableau, l’Allemagne appuyée sur un globe regarde avec ardeur la Religion qui est peinte dans le milieu de la voûte. Elle semble recevoir avec plaisir l’Amour qui lui donne une branche d’olivier en signe de / p. 49 / paix, et des branches de lauriers pour les victoires que cette paix avec la France lui fait remporter sur les infidèles. Son aigle étend ses ailes, et semble vouloir couvrir plus de terre. Ses peuples en remercient le ciel, offrant en sacrifice les dépouilles remportées sur les ennemis de la Religion, dont ils ont élevé un trophée sur un palmier, qu’on remarque derrière un petit Polonais qui regarde le ciel, en portant au feu l’étendard remporté par son roi, et que ce monarque a envoyé à Sa Sain- / p. 50 / teté. Un Allemand présente un turban, et deux enfants portent sur un bouclier les dernières dépouilles remportées sur les Turcs. Un enfant qui lève un gobelet, et les peuples qui font des brindes aux fanfares des trompettes et des musettes, au bruit de l’artillerie et des feux d’artifice, donnent une idée de la joie que leur inspire une paix dont ils reçoivent de si grands avantages.
/ p. 51 / IV. Tableau, sur la porte de la galerie
L’Espagne lève les mains et les yeux au ciel, qui accorde à ses vœux la Paix qu’un Amour lui apporte sous la figure d’une branche d’olivier. Son lion se repose auprès d’elle à l’ombre. À sa droite des enfants attisent un grand feu, et jettent dedans les armes et les étendards inutiles en ce temps. On en remarque un à demi armé qui en apporte au feu. Un autre semble s’en vouloir masquer. / p. 52 / L’un joue des castagnettes en dansant, et les peuples rendent grâce du loisir dont ils vont jouir. Le plaisir qu’ils en ressentent est exprimé par une danse et par des feux d’artifice, et leur inclination naturelle pour le repos, par un enfant appuyé nonchalamment sur un canon ; il semble s’extasier en chantant au son de sa guitare, pour faire connaître l’amour de ces peuples pour ces sortes d’amusements.
/ p. 53 / V. Tableau, sur les fenêtres opposées à la galerie
La Hollande à genoux reçoit sur son bouclier des flèches qu’un Amour lui donne, pour marquer les provinces que le roi avait conquises, et qu’il lui a rendues volontairement. Son lion se réchauffe au feu qu’elle a fait allumer, pour brûler les armes et les instruments de la guerre. Il n’a plus rien de farouche, et deux enfants badinent avec lui. L’un s’efforce de le monter ; mais s’étant armé d’armes / p. 54 / peu à son usage, le casque lui tombe jusque sur les épaules, et la cuirasse et l’épée, trop lourdes, l’entraînent ou l’embrassent. L’autre enfant qui le soutient, tâche de le retenir, et veut l’empêcher de choir. Un autre badine avec des bottes qu’il essaye. Les bourgmestres joignent les mains d’une manière qui fait connaître combien leur est chère cette paix par laquelle ils vont établir le commerce de leurs peuples, qui sans songer à se divertir, travaillent sans nulle relâche à équiper des / p. 55 / vaisseaux et à les charger de marchandises ; et dans l’éloignement on construit quelques navires. Dans ces tableaux les enfants badinent avec des armes, ou les jettent dans le feu, pour faire comprendre que ce qui fait l’occupation sérieuse des plus grands cœurs pendant la guerre devient dans la paix le plaisir et l’amusement de la jeune noblesse, par les comparses et les carrousels, où les armes servent de divertissement.
M. Le Brun a marqué avec tant d’art les manières des / p. 56 / pays qu’il a représentés qu’on reconnaît sans peine les peuples qui font le sujet de ces tableaux. Cette diversité de physionomie, d’habillements et de coutumes donne un grand plaisir, et l’œil est encore charmé d’un jeu de lumière très agréable et très nouveau, les objets étant éclairés de la lumière naturelle, de celle du feu, et des feux d’artifice, ce qui rend ces compositions extraordinaires, brillantes et gracieuses.
Auteur : Nicolas Milovanovic
© Coproduction RMN – EPV, 2008