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/ p. i / La galerie de Versailles a trente-sept toises de longueur au-dedans sur cinq de largeur, sans comprendre les deux salons, qui sont aux deux / p. ii / extrémités, et avec lesquels elle occupe toute la grande façade de l’avant-corps du château sur le jardin.
Elle est d’ordre composite français, avec des coqs, des soleils et des fleurs de lys dans les chapiteaux, des couronnes de France et des colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit dans la corniche.
L’ordonnance de l’architecture est réglée par dix-sept grandes fenêtres cintrées, qui répondent à autant d’arcades de la même grandeur remplies de glaces de miroirs, les unes et les autres séparées de chaque côté par vingt-quatre / p. iii / pilastres et ornées de deux statues antiques placées dans des niches. Les deux fonds sont composés chacun d’une grande arcade accompagnée de deux colonnes, de six pilastres et de deux statues antiques posées sur des piédestaux en saillie : et de ces arcades, l’une sert d’entrée au salon, qu’on appelle le salon de la Guerre, du côté des grands appartements du roi ; l’autre au salon de la Paix, vers les appartements de la reine.
Toute cette architecture est de marbre de différentes couleurs, à l’exception des bases et des chapiteaux, qui sont de / p. iv / bronze doré, aussi bien que les trophées, les peaux de lion, les festons de lauriers et de fleurs, les soleils rhodiens et les roses, qui ornent les arcades et les entre-deux des pilastres.
Au-dessus de l’entablement il y a des cartouches et des trophées de différentes figures, servant de couronnement aux arcades. Les cartouches sont remplis d’inscriptions au-dessous des grands tableaux de la voûte, et accompagnés de deux griffons, ou de deux sphinx. Les trophées sont soutenus par deux enfants, qui tiennent des guirlandes ; et ces ornements / p. v / sont de stuc doré, aussi bien que l’entablement.
Toute la galerie est voûtée d’un berceau en plein cintre, enrichi d’une composition d’architecture en perspective de divers marbres, avec des compartiments d’or ; et c’est là que le sieur Le Brun, premier peintre du roi, a représenté par des emblèmes héroïques, en neuf grands tableaux et en dix-huit petits, une partie de l’histoire de ce monarque. Sept grands tableaux, de différentes formes, partagent la longueur de la galerie, et il y en a deux dans les fonds, qui se communiquent à une / p. vi / portion de la voûte par des draperies et par des nuages.
Sous les deux tableaux des extrémités on a peint, vers le salon de la Guerre, dans les ouvertures de l’architecture feinte, de grands tapis de velours où sont tissés les trophées des premières campagnes du roi, et que des Victoires et des Satyres détachent, comme pour faire place aux trophées de ses dernières conquêtes. Du côté du salon de la Paix les tapis ne paraissent plus, et les Victoires y ont déjà placé des trophées, que de jeunes amours attachent avec des / p. vii / festons de fleurs, tandis que d’autres Victoires élèvent des étendards, et tracent des inscriptions sur l’airain. Les bordures de tous ces tableaux sont de stuc doré, avec ornements, qui ont rapport aux sujets.
/ p. 1 / Premier tableau
Le roi prend lui-même la conduite de ses États, et se donne tout entier aux affaires. 1661
(Il est au milieu de la voûte.)
Ce fut au milieu des plaisirs, et dans le sein de la tranquillité, que le roi forma la résolution héroïque / p. 2 / dont a fait le sujet du plus grand de ces tableaux, qu’on doit regarder comme le premier, puisqu’il renferme ce qui a été, pour ainsi dire, l’origine de toutes les belles actions qui sont représentées dans les autres. Le roi y est peint dans la fleur de sa jeunesse, assis dans un trône sous un pavillon magnifique, la main droite posée sur un timon de navire. Les Grâces sont debout auprès de lui, et l’on voit la Tranquillité au même endroit sous la figure d’une femme assise, qui appuie négligemment sa tête sur une de ses mains, et tient / p. 3 / de l’autre une grenade, symbole de l’union des peuples sous l’autorité souveraine. La France aussi assise, pour marque de son état paisible, se fait voir derrière ces figures, appuyée sur un bouclier dont le poids écrase la Discorde. L’Hyménée est auprès d’elle, qui l’éclaire de son flambeau, pour montrer qu’on était encore dans les réjouissances du mariage du roi ; et la Seine paraît au-dessous couchée sur son urne, d’où il sort de l’eau avec des fleurs et des fruits, à cause de la beauté et de la fertilité des provinces qu’elle arrose. Tout le bas du tableau / p. 4 / est rempli de jeunes enfants nus, qui expriment en cent manières différentes le jeu, le bal, la musique, la chasse, les fêtes, les carrousels, et tous les autres divertissements de la cour. Cela se passe aux pieds du monarque, qui n’en paraît aucunement touché ; et l’on remarque au contraire sur son visage et dans toute son action la noble ardeur dont il est transporté à l’aspect de la Gloire, qui se présente à lui dans le ciel, et qui fait briller à ses yeux une couronne d’or enrichie d’étoiles. Minerve, c’est-à-dire la Prudence, est à côté du trône avec son bouclier / p. 5 / de cristal, où réfléchit l’image de ce prince. Mars, le dieu de la Valeur, est un peu au-dessus, et tous deux, en lui montrant cette couronne que la Gloire lui propose, font entendre qu’elle ne peut être le prix que de sa sagesse et de son courage. Le Temps lève un des coins du pavillon, comme pour montrer qu’il s’apprête à découvrir les grandes actions que le roi va faire. Jupiter, Junon, Neptune, Vulcain, Pluton, Hercule, Diane et Cérès regardent du haut du ciel ce jeune monarque et semblent s’intéresser unanimement pour sa gloire. Le Soleil / p. 6 / sur son char se hâte pour en être témoin ; et Mercure vole déjà, pour aller annoncer à toute la terre une résolution si magnanime.
Dans l’autre partie du tableau l’on voit l’Allemagne, l’Espagne et la Hollande peintes sous la figure de trois femmes superbement vêtues, et avec une contenance fière et audacieuse, pour montrer l’orgueil et les desseins ambitieux de ces trois puissances voisines de la France. L’Allemagne est au-dessus des deux autres, assise sur un faible nuage. On la reconnaît à son aigle et à sa / p. 7 / couronne impériale. L’Espagne est à côté droit, appuyée sur un lion, qui dévore un roi des Indes, étendu sur des trésors ; et l’Ambition paraît au-dessus, tenant d’une main un flambeau, dont elle met le feu à des palais, tandis que de l’autre main elle arrache la couronne à un roi terrassé. À gauche, et un peu plus bas, on voit la Hollande aussi appuyée sur un lion, qui tient dans ses pattes les sept flèches liées ensemble, que les sept provinces ont choisies pour leur symbole. Elle a un trident à la main, et une longue chaîne à laquelle Téthis est attachée, / p. 8 / pour faire connaître combien cette république s’était rendue puissante sur la mer. Les marchandises qui sont au-dessous, et les vaisseaux que l’on équipe dans le lointain, sont des marques de son application au commerce.
Il y a pour seconde inscription sous cette seconde partie du tableau, L’ancien orgueil des puissances voisines de la France.
/ p. 9 / Deuxième tableau
Résolution prise de châtier les Hollandais. 1671
(Il est à côté gauche du grand tableau, du côté des fenêtres.)
On a exprimé dans les petits tableaux ce que le roi a fait de plus merveilleux depuis l’année 1661, jusqu’à la guerre de Hollande, où commencèrent ces actions qui ont fait l’étonnement de l’univers, et qui ayant quelque chose de plus grand encore que les autres, ont fourni aussi la matière des grands tableaux. La résolution qu’il prit de porter ses armes dans le sein de la Hollande, pour la punir et de son / p. 10 / ingratitude et de son insolence, est donc le sujet du second des grands tableaux. On y voit ce prince, revêtu de son manteau royal et assis dans son trône, qui délibère avec Minerve, Mars et la Justice. Mars lui présente un char de triomphe attelé de deux chevaux, dans lequel il l’invite d’entrer, en lui montrant, comme autant de sûrs garants d’un heureux succès, des trophées d’armes et des boucliers épars où sont écrits les noms des villes qu’il avait conquises en Flandre quatre ans auparavant. La Victoire, toute prête à le couronner, est / p. 11 / auprès du char, aussi bien que la Renommée, qui, la trompette en main, se prépare à publier sa gloire. D’autre côté Minerve, c’est-à-dire la Prudence, expose à ses yeux, en un morceau de tapisserie, une image des maux et des fatigues de la guerre. Elle lui fait voir en un endroit des hommes noyés, en un autre des soldats morts ou mourants de faim et de misère, et quelques-uns réduits à manger de l’herbe ; ici l’air est tout en feu, là on voit des arbres dépouillés de feuilles et couverts de frimas, et l’Hiver, sous la figure d’un vieillard, qui serre entre / p. 12 / ses bras un soldat gelé. Plus loin, au milieu d’un champ aride, elle lui montre l’Envie avec ses serpents, accompagnée d’un aigle et d’un lion. Tout cela pour faire entendre à ce prince quels froids, quelles chaleurs, quels travaux il faudra essuyer dans le cours de cette guerre, et les obstacles que lui feront l’Allemagne et l’Espagne, dans la jalousie qu’elles auront de ses conquêtes. La Justice, comme celle qui préside à ce conseil, est au milieu du tableau derrière le trône, et la lance et l’épée qu’elle tient font voir qu’elle opine à la guerre et à la punition des coupables.
/ p. 13 / Troisième tableau
Le roi arme sur mer et sur terre. 1672
(Il est à côté droit du grand tableau, au-dessus des fenêtres.)
On ne pouvait pas exprimer plus ingénieusement qu’on a fait ici ces grands préparatifs de guerre de l’année 1672. Le roi est debout au milieu du tableau, qui donne ses ordres de tous côtés. La Prévoyance est auprès de lui assise sur un nuage, tenant à la main un compas et un livre ouvert, pour montrer qu’il prend toujours ses mesures justes, et qu’il ne fait rien qu’avec con- / p. 14 / naissance et avec mûre délibération. Neptune, dans un char traîné par des chevaux marins et suivi d’une troupe de tritons, s’approche du rivage, comme pour témoigner à ce prince qu’il peut disposer de l’empire de la mer. Il lui présente son trident et lui montre des vaisseaux tout prêts à faire voile, et d’autres que l’on équipe. Mars, de l’autre côté du tableau, arrive aussi sur son char tiré par deux chevaux de bataille, et lui amène des officiers et des soldats. Mercure lui fait présent d’un riche bouclier. Vulcain lui donne une cuirasse, et des fais- / p. 15 / ceaux d’épées et. de piques portés par un Cyclope, et Minerve, au milieu de l’air, tient un casque d’or qu’elle va lui mettre sur la tête. Apollon, le dieu de l’architecture, s’avance aussi, et a l’œil sur un grand nombre d’ouvriers qui bâtissent des vaisseaux et des forteresses, ou qui s’occupent à des travaux militaires. Pluton, qui au sentiment de quelques-uns est le même que Plutus, le dieu des richesses, ne prend pas moins de part à sa gloire, et a déjà répandu ses trésors aux pieds de ce prince, où, parmi des instruments et des machines de guerre, l’on / p. 16 / aperçoit de magnifiques vases remplis de pièces d’or. La déesse des Moissons paraît aussi en l’air, la faucille en main. Elle a laissé son char dans le ciel, et vient, suivie de l’Abondance, lui offrir tout ce qui lui est nécessaire pour la subsistance de ses armées. La Vigilance se fait remarquer dans la partie la plus élevée du tableau, d’où elle conduit toute l’entreprise. Elle est peinte avec des ailes, et elle tient d’une main une horloge de sable, et de l’autre un coq et un éperon, symboles de son activité.
/ p. 17 / Quatrième tableau
Le roi donne ses ordres pour attaquer en même temps quatre des plus fortes places de la Hollande. 1672
(Il est à côté gauche du grand tableau, au-dessus des miroirs.)
Il n’est pas malaisé d’appliquer le sens de cette inscription aux figures de ce tableau, qui est moins allégorique que les autres, et ou le roi tient en effet comme un conseil de guerre avec le duc d’Orléans, le prince de Condé et le vicomte de Turenne, tous représentés au naturel. Il leur propose le dessein / p. 18 / qu’il a formé d’ouvrir la campagne par l’attaque de quatre places importantes, Wesel, Büderich, Orsoy et Rheinberg, qu’il prétend assiéger en même temps. Les noms de ces places se distinguent sur le plan que Minerve lui présente, et qu’un jeune Enfant ailé, qui a une couronne de laurier sur la tête, semble étendre par un des bouts. Par ce jeune Enfant le peintre a voulu figurer l’amour de la Gloire, qu’on voit elle-même toute brillante au-dessus du roi. La Prévoyance, un compas à la main, est assise derrière lui. La Vigilance est en l’air, aussi bien que la / p. 19 / Victoire, qui vole devant ce prince et lui marque le chemin qu’il doit suivre : et Mars paraît ici entièrement déclaré pour la France, comme on le peut reconnaître aux fleurs de lys qu’il porte sur son bouclier. Pour ce jeune garçon sérieux et attentif, qui tient un casque et qui a un doigt sur la bouche, un sphinx sur la tête et un bandeau d’or sur le front, on voit bien que c’est le dieu du Secret. Il est placé tout près du roi, pour montrer qu’il l’accompagne dans toutes ses entreprises. Aux deux coins du tableau et dans le lointain, il y a des / p. 20 / soldats qui semblent n’attendre que l’ordre pour partir, et leur ardeur ne laisse pas de se faire remarquer dans cet éloignement.
/ p. 21 / Cinquième tableau
Passage du Rhin en présence des ennemis. 1672
(Il occupe toute la voûte, comme celui qui est au milieu de la galerie.)
Le dessein qu’on a eu dans ce tableau n’a pas été seulement de représenter les circonstances de ce fameux passage, qui jeta la consternation parmi les Hollandais : on a songé aussi à exprimer les conquêtes qui le précédèrent, et une partie de ces progrès incroyables dont il fut suivi, aussi bien que l’étonnement qu’il causa à toute la terre. Le roi y paraît sur / p. 22 / un char de guerre, tiré par deux chevaux qui semblent voler. Il a la foudre à la main ; l’impétuosité de sa course est marquée par l’agitation de ses cheveux, que le vent rejette en arrière, et son visage est animé d’une colère majestueuse, qui imprime la terreur et le respect. La Gloire et Minerve, ses compagnes fidèles, volent devant le char qu’Hercule, symbole de la vertu héroïque, pousse d’une main par-dessus les flots. L’Espagne s’avance le masque à la main et semble vouloir arrêter le vainqueur. Mais tâchant de saisir les rênes des chevaux, elle ne / p. 23 / peut s’attacher qu’à l’un des traits, et elle est elle-même entraînée, par où l’on a voulu figurer les vains efforts qu’elle fit en ce temps-là, par ses pratiques secrètes, pour s’opposer aux desseins du roi. Le Rhin, qui se reposait sur son urne, se relève tout épouvanté de voir traverser ses eaux avec cette vitesse prodigieuse, et laisse d’effroi tomber son gouvernail. Cependant le char avance, et tout cet amas d’hommes et de femmes renversés sous les pieds des chevaux sont autant de figures symboliques des obstacles que le roi avait déjà surmontés, et des villes / p. 24 / qu’il avait prises. La Hollande se présente sur son lion, au-devant du char, l’épée à la main, et oppose pour toute défense son bouclier, où se lit cette insolente inscription qui bravait tous les souverains. Mais sa frayeur est peinte sur son visage, et l’on voit bien qu’elle ne peut pas seulement soutenir les regards du vainqueur. L’abaissement de son orgueil est marqué par une figure qui a les ailes à moitié coupées et qui mord la poussière en laissant échapper une couronne, qui semble tomber hors du tableau. Le désordre de son commerce / p. 25 / est représenté par un homme renversé entre des ballots de marchandises, qui tient un livre de comptes tout brouillé, et qui a de l’argent répandu autour de lui ; la perte de ses forces maritimes par un matelot, qui tombe près d’une ancre la tête la première ; et la consternation de ses peuples par des hommes qui viennent de loin apporter les clefs de leurs villes. Le haut du tableau est occupé par des Victoires, qui volent de tous côtés, et entre lesquelles on en distingue une qui tient quatre couronnes dans ses mains, par où elle fait / p. 26 / assez connaître qu’elle a présidé aux quatre sièges qui ont servi de prélude à la campagne. Il y en a encore une autre qui se fait remarquer à l’extrémité du tableau. Elle porte un étendard où est écrit le mot de Tolhuis, pour désigner l’endroit où les Français passèrent le Rhin.
La prise de Maastricht est figurée de l’autre côté du cintre par une femme qui tombe l’épée à la main, et à qui Mars arrache de force un bouclier, où le nom de cette ville est écrit ; et l’on découvre aussi sur quantité de boucliers que / p. 27 / tiennent d’autres Victoires au-dessus de ces deux figures les noms et les armes de plusieurs villes qui furent prises après le passage du Rhin : Zutphen, Nimègue, Utrecht, etc. L’Europe, peinte au même endroit, contemple avec étonnement toutes ces merveilles ; sa couronne est tombée sur ses genoux, et elle a peine à retenir son cheval épouvanté. Les instruments des arts, et les fruits qu’elle tient ordinairement, sont échappés de ses mains et vont enrichir le bas du tableau. Sa surprise, enfin, se communique jusqu’aux peuples du Nouveau Monde, qui pa- / p. 28 / raissent dans l’éloignement, et lesquels furent à quelque temps de là les témoins des victoires que les armes du roi remporteront près de leurs îles sur l’armée navale des Hollandais.
Il y a au-dessous Prise de Maastricht en treize jours 1673.
/ p. 29 / Sixième tableau
Ligue de l’Allemagne et de l’Espagne avec la Hollande. 1672
(Il est au-dessus de l’arcade du salon de la Guerre.)
Il n’y a personne qui ne sache que cette ligue a été conclue dans le désordre et que la crainte et la jalousie l’ont fait naître. Aussi est-ce ce qui a fourni les principales idées de ce tableau. Ces trois femmes assises, qui, se touchant dans la main, semblent jurer une étroite alliance, ce sont l’Allemagne, l’Espagne et la Hollande. Cette dernière est aisée à reconnaître à la / p. 30 / consternation et au désordre qui paraissent sur son visage et dans toute son action. L’Allemagne, malgré l’orgueil qu’elle affecte, ne peut pas cacher son étonnement, ni sa douleur. L’Espagne grince les dents de dépit, et semble ne s’être démasquée que pour mieux faire voir à tout le monde le trouble qui la transporte. Derrière ces trois femmes sont trois espèces de Furies, avec des symboles qui les font reconnaître pour les passions qui ont présidé à leur union. Dans les extrémités du tableau paraît d’un côté l’antre des / p. 31 / Cyclopes, où l’on forge à la hâte des armes que l’on distribue aussitôt, pour marquer les levées tumultueuses qui se firent de toutes parts contre la France. Et de l’autre côté on voit quantité de gens armés, tous différents d’habillements, et dont les démarches mêmes paraissent tout opposées. Le peintre a heureusement exprimé par là, non seulement la diversité d’intérêts et le peu de véritable union qui étaient dans la plupart des confédérés, mais encore le trouble, et pour ainsi dire l’étourdissement, de toutes ces puissances au bruit que fait / p. 32 / sur leurs têtes une foule de Renommées, qui partent avec précipitation pour aller publier par toute la terre les prodigieuses conquêtes du roi.
/ p. 33 / Septième tableau
La Franche-Comté conquise pour la seconde fois. 1674
(Il est à côté du grand tableau, au-dessus des miroirs.)
Le roi avait déjà conquis cette province au commencement de l’année 1668 : mais il la rendit aussitôt aux Espagnols, pour satisfaire à sa parole. Six ans après, ces mêmes Espagnols lui ayant déclaré la guerre, la première chose à quoi il songea, ce fut à reconquérir la Franche-Comté. Il en trouva toutes les places de nouveau fortifiées, une citadelle construite à Be- / p. 34 / sançon sur un rocher presque inaccessible, et de nombreuses garnisons partout. La saison même sembla combattre pour les ennemis. Car jusque bien avant dans le mois de juin, ce furent des grêles, des neiges et des pluies continuelles ; en sorte que dans les camps et dans les tranchées, les soldats étaient quelquefois dans l’eau jusqu’aux genoux. Mais la présence du roi surmonta tous ces obstacles, et en moins de trois mois il se rendit maître pour la seconde fois de toute cette grande province, si importante et si nécessaire à la France. / p. 35 / C’est le sujet de ce tableau. Le roi y paraît debout, et l’on voit à ses pieds la Franche-Comté et toutes ses villes figurées par des femmes en pleurs, que Mars lui présente. On y voit aussi le fleuve du Doubs, qui coule à Besançon et qui arrose une bonne partie de la province. Ce fleuve a la surprise et la frayeur peintes sur le visage. On remarque dans l’éloignement des soldats qui se précipitent du haut des rochers, et d’autres qui fuient. Cependant un Hercule, symbole de la Force et de la Vertu héroïque, monte sur un rocher effroyable, / p. 36 / où Minerve, qui est à côté de lui, semble le conduire, et sur lequel on voit un lion furieux. Le lion représente l’Espagne, et le rocher la citadelle de Besançon. Le ciel est entièrement couvert de nuages, au travers desquels on entrevoit le signe des Poissons et les deux signes du Bélier et du Taureau, pour désigner les mois où se fit cette expédition. Les Vents y soufflent un air noir et pluvieux, et l’Hiver, sous la figure d’un vieillard, y répand à deux mains la grêle, la neige et les frimas. Les vains efforts que fit l’Allemagne pour empêcher / p. 37 / cette conquête sont marqués par un grand aigle effrayé, qui crie et qui bat des ailes sur un arbre sec, à l’un des coins du tableau. De l’autre côté la Victoire, tenant deux couronnes, attache des armes aux branches d’un palmier, et la Renommée vole en l’air au-dessus du roi avec deux trompettes pour montrer qu’il a conquis deux fois cette province. La Gloire, un cercle d’or à la main, paraît plus haut près d’un nuage, qui ne sert qu’à la rendre plus brillante et à faire rejaillir sur le vainqueur l’éclat dont elle est environnée.
/ p. 39 / Huitième tableau
Prise de la ville et de la citadelle de Gand en six jours. 1678
(Il occupe toute la voûte.)
La noblesse de l’expression répond dans ce tableau à la grandeur du sujet qui y est traité. On sait avec quelle promptitude et par quelle conduite merveilleuse le roi se rendit maître de Gand, lorsqu’au milieu de l’hiver, ayant pris sa marche par la Lorraine pour mieux couvrir ses desseins, il parut tout à coup devant cette grande ville, où soixante mille hommes étaient / p. 40 / arrivés par des routes différentes, et qu’ils venaient d’investir. Comme cet exploit tient quelque chose de la foudre, on l’a figuré par cet emblème. Le roi y paraît tenant la foudre dans la main droite et le bouclier de l’Égide dans la gauche. Il est porté par un aigle sur une grosse nuée, entrecoupée de sillons de flamme. La Terreur le devance, la Vigilance et le Secret marchent à ses côtés et la Gloire vole au-dessus de lui. La Flandre est représentée sous la figure d’une femme qui tombe d’effroi. Elle est couverte d’un voile noir depuis / p. 41 / la tête jusqu’aux pieds, à la manière des femmes du pays ; et près d’elle est la ville de Gand en pleurs, figurée, ainsi qu’en l’écusson de ses armes, par une jeune fille assise dans une espèce de parc d’osier, sur les genoux de laquelle un lion met les pattes de devant. Son parc est brisé en plusieurs endroits, et elle tient des clefs, que Minerve d’une main lui arrache, tandis que de l’autre elle lui enlève ce fameux étendard, sous lequel cette ville mettait autrefois jusqu’à soixante mille hommes en campagne. Au bas du tableau et sous le nuage paraît un char de / p. 42 / triomphe, où sont attachées plusieurs autres villes conquises, et qu’on voit représentées par des femmes qui portent des boucliers où leurs noms sont écrits. Mars, dans le lointain, chasse la Discorde, l’Envie et la Fureur, pour montrer que ce fut la prise de Gand qui força les ennemis à faire la paix.
On aperçoit dans l’autre partie du tableau les prodigieux effets que produisit cette conquête, qui acheva d’étonner les ennemis, rompit toutes leurs mesures, et déconcerta toute la politique de la maison d’Autriche. Le pre- / p. 43 / mier de ces effets est marqué par un homme ébloui qui met la main devant ses yeux. Le second, par une Femme qui a près d’elle un compas démonté et une règle rompue ; et le troisième par une autre femme armée et revêtue d’un manteau de pourpre : elle a à ses pieds un léopard et le fameux livre de Machiavel, symboles de la cruauté et des dangereuses maximes de la politique espagnole. Cette femme paraît tomber sur un lion, qui baisse la tête pour figurer l’abaissement où l’Espagne était alors. Enfin, le mauvais état de ses armées et de ses places est exprimé / p. 44 / par des soldats qui fuient et par un château foudroyé. On voit aussi ces deux fameuses colonnes qu’Hercule planta autrefois à l’extrémité de l’Espagne et de notre continent. Pour les mieux faire reconnaître, on y a mis cette inscription fastueuse de Charles-Quint : plus ultra. Elles sont représentées penchantes et prêtes à tomber, image allégorique de l’état dangereux et chancelant où les Espagnols se trouvèrent à la fin de cette campagne.
Cette seconde partie du tableau a pour inscription : Les mesures des Espagnols rompues par la prise de Gand.
/ p. 45 / Neuvième tableau
La Hollande accepte la paix, et se détache de l’Allemagne et de l’Espagne. 1678
(Il est au fond de la galerie sur la porte du salon de la Paix.)
Après avoir représenté dans un des bouts de la galerie la ligue que fit la Hollande avec l’Allemagne et avec l’Espagne, on a voulu faire voir ici, dans l’extrémité opposée, de quelle manière ces trois puissances se désunirent, et reçurent tour à tour la loi du vainqueur. On les revoit donc dans ce tableau avec leurs mêmes visages et leurs / p. 46 / mêmes symboles, mais fort changées d’air et de contenance. La Hollande, qui s’était trouvée la première embarquée dans la guerre et qui y avait embarqué les deux autres, est la première à se détacher de ses compagnes, pour courir au-devant de Mercure et de la Paix, qui descendent du ciel. Mercure tient une branche d’olivier à la main, et la Paix est avec les Jeux et les Plaisirs figurés par de jeunes enfants qui répandent des fleurs. On reconnaît assez le dépit que ressent l’Allemagne de cette démarche de la Hollande, que l’aigle de l’Empire / p. 47 / s’efforce en vain de retenir par la robe. L’Allemagne est assise sur un nuage fort délié, symbole du faible état où elle se trouvait alors, aussi bien que l’Espagne, qui ne sait dans cette conjoncture que s’attacher fortement à elle, comme à son unique appui. Leur déplaisir est peint sur leurs visages. On voit bien pourtant qu’elles ne tarderont guère à suivre l’exemple de la Hollande ; quelque espérance que leur veuille faire concevoir la Vanité, représentée ici par une femme couronnée de plumes de paon, qui leur montre dans l’éloignement un / p. 48 / grand nombre de soldats et de vaisseaux, comme autant de nouvelles ressources. Elles achèvent de se déterminer à la paix au bruit que fait une Renommée au-dessus de leur tête, et à l’aspect de cet antre, où se fabriquaient auparavant leurs armes, qui paraît foudroyé, à l’un de coins du tableau.
/ p. 49 / Explication des petits tableaux de la galerie de Versailles.
La plupart des sujets de ces tableaux sont tirés des grandes choses que le roi a faites au-dedans de son royaume, depuis qu’il / p. 50 / en a pris en main le gouvernement. On les a rangés entre les grands tableaux dans l’architecture feinte ; six au bandeau de la voûte, peints de couleur de lapis à fond d’or, en manière de bas-reliefs, dans des bordures à huit pans ; les douze autres sur les retombées, chacun entre deux termes de bronze rehaussés d’or, qui portent un fronton enrichi d’enfants, de masques, de festons et de corbeilles de fleurs et de fruits. Ces derniers sont ovales, de différentes grandeurs, et ont aussi leurs inscriptions ; les uns au-dessus, dans des cartouches ; les au- / p. 51 / tres au-dessous, dans des boucliers attachés avec des festons au piédestal. L’allégorie, que l’on vient de voir si ingénieusement employée dans les grands tableaux, règne encore dans tous ceux-ci ; et on a suivi en cela l’exemple des Anciens, qui pour jeter plus de merveilleux dans la poésie et dans la peinture, n’ont point trouvé de meilleur moyen que d’y mêler partout des personnages allégoriques.
/ p. 53 / Premier tableau
Soulagement du peuple pendant la famine, 1662
(Il est à la clef de la voûte.)
Cette femme ailée, à qui l’on voit une flamme sur le haut de la tête, et qui, tenant d’une main une corne d’abondance, distribue de l’autre du pain à des personnes à genoux, représente la Piété du roi, et la tendresse qu’il témoigna pour ses peuples, lorsqu’en l’année 1662, la France étant menacée d’une grande famine, il fit venir du blé des / p. 54 / pays étrangers, pour le soulagement de ceux qui étaient dans l’indigence.
/ p. 55 / Deuxième tableau
La Hollande secourue contre l’évêque de Munster, 1665
(Il est du côté des miroirs.)
Les Hollandais, attaqués sur mer par les Anglais, ayant jeté dans leurs vaisseaux tout ce qu’ils avaient de troupes, se voyaient hors d’état de résister à l’évêque de Munster, qui dans ce même temps était entré avec près de vingt mille hommes dans leur pays, où il mettait tout à feu et à sang. Mais le roi, en exécution du traité de garantie qu’il avait fait avec les / p. 56 / États, leur ayant envoyé un secours de six mille hommes, cet évêque fut rechassé dans son diocèse, et obligé deux mois après de faire la paix, en restituant aux Hollandais toutes les places qu’il leur avait prises. C’est ce que le peintre a voulu exprimer ici. La France, portée sur un nuage les armes à la main, se jette entre ces deux puissances, figurées par deux espèces d’Amazones attachées au combat l’une contre l’autre ; et prenant le parti de la Hollande, qui paraît la plus faible, lui donne l’avantage sur son ennemie.
/ p. 57 / Troisième tableau
Réparation de l’attentat des Corses, 1664
(Il est du côté des fenêtres.)
Les Corses de la garde du pape ayant osé insulter l’ambassadeur de France de la manière que chacun sait, on convint, pour réparer cet attentat, que le pape enverrait en France le cardinal Chigi, son neveu, avec la qualité de légat à latere ; que les Corses seraient chassés, non seulement de Rome, mais de tout l’État ecclésiastique, et la nation déclarée incapable de ser- / p. 58 / vir jamais le Saint-Siège. Enfin qu’il serait dressé dans Rome une pyramide, où le décret de leur condamnation serait gravé. Deux figures expriment ici cette réparation. La France déploie un papier où est le dessin d’une pyramide ; et Rome, avec un air soumis devant elle, semble accepter les conditions qui lui sont offertes.
/ p. 59 / Quatrième tableau
La fureur des duels arrêtée
(Il est à la clef de la voûte.)
Il y avait longtemps que l’on travaillait en France à empêcher les duels. Mais il n’y avait pas eu moyen d’en venir à bout ; et l’on voyait tous les jours de funestes effets de cette licence effrénée, lorsque le roi résolut d’interposer toute son autorité pour en arrêter le cours. Ce sage prince a été en cela plus heureux que ses prédécesseurs. La sévérité de ses édits, et le soin qu’il a pris de les faire exécuter, ont / p. 60 / fait cesser pour jamais ces combats criminels, en fermant toutes les voies à l’espérance de l’impunité ; de sorte que le véritable point d’honneur ne consiste présentement qu’à lui obéir. On voit donc ici la Justice, avec une épée et des balances, séparer d’une main des hommes qui se battent, et les menacer de l’autre en même temps, comme pour leur faire entendre qu’il y a des voies, établies par le prince, pour tirer raison des injures que l’on a reçues ; et qu’il sait punir ceux qui, au mépris de ses lois, veulent exercer eux-mêmes leur vengeance.
/ p. 61 / Cinquième tableau
Défaite des Turcs en Hongrie par les troupes du roi, 1664
(Il est du côté des miroirs.)
Les Turcs, étant entrés dans la Hongrie avec une armée de plus de soixante mille hommes, s’étaient avancés jusque sur le bord du Raab : déjà même, dix mille janissaires l’avaient passé, et avaient taillé en pièces, ou mis en fuite, toute l’armée de l’Empire. Mais deux mille Français, faisant partie d’un corps de six mille hommes que le roi / p. 62 / avait envoyé au secours de l’empereur, attaquèrent si vigoureusement ces infidèles dans leurs retranchements qu’ils les renversèrent dans le fleuve. Tellement que le grand vizir, ayant perdu dans ce combat ses meilleures troupes, fut obligé de se retirer dès le lendemain, et de faire même la paix au bout de six semaines. Voici de quelle manière on a figuré cet évènement. La France est représentée l’épée à la main, comme venant de renverser des Turcs, qui sont à ses pieds sur le devant du tableau. Elle avance son bouclier pour soutenir / p. 63 / l’aigle de l’Empire qui chancelle, et qui semble en effet avoir besoin de cet appui.
/ p. 64 / Sixième tableau
La prééminence de la France, reconnue par l’Espagne, 1662
(Il est du côté des fenêtres.)
Le baron de Vatteville, ambassadeur d’Espagne auprès du roi d’Angleterre, ayant osé disputer le pas à l’ambassadeur de France, et fait passer à main armée son carrosse devant celui du comte d’Estrades dans une cérémonie publique, on croyait qu’on allait voir la guerre rallumée entre la France et l’Espagne. Mais les Espagnols accordèrent promptement toutes / p. 65 / les satisfactions qu’on exigea d’eux. Vatteville fut révoqué de son ambassade et chassé de la cour, et le marquis de Fuentès, étant venu en France en qualité d’ambassadeur extraordinaire, eut ordre de déclarer entre autres choses à Sa Majesté, en présence du nonce et d’un grand nombre d’ambassadeurs et d’autres ministres étrangers, que le Roi catholique avait eu un extrême déplaisir de ce qui s’était passé à Londres, et qu’il avait même fait défenses expresses à tous ses ambassadeurs de concourir jamais avec ceux de France. Cette / p. 66 / satisfaction est ainsi exprimée. La France et l’Espagne sont représentées à l’ordinaire par deux femmes, la première avec une majesté mêlée d’un peu de ressentiment ; l’autre avec un air soumis. Le lion d’Espagne se couche aux pieds de la France, et la Justice est derrière elle, qui tient ses balances dans l’équilibre pour montrer qu’elle a présidé à cette déférence des Espagnols.
/ p. 67 / Septième tableau
Guerre contre l’Espagne pour les droits de la Reine, 1667
(Il est à la clef de la voûte.)
Ce tableau n’est pas tant une peinture de la première guerre contre les Espagnols que de la résolution qui fut prise de les attaquer, sur le refus qu’ils firent de céder au roi les provinces qui appartenaient à la reine son épouse, après la mort du roi d’Espagne. Le roi est debout, et comme prêt à marcher. La Justice et l’Hyménée, qui lui tiennent compagnie, font voir / p. 68 / qu’il ne demande rien que de légitime, et que son mariage est son titre. Mars le précède sur un nuage, comme pour signifier que la guerre est l’unique moyen de tirer raison des Espagnols. La Renommée vole aussi devant ce prince, et les papiers qu’elle tient représentent les manifestes qui furent publiés en ce temps-là pour la défense des droits de la reine.
/ p. 69 / Huitième tableau
Rétablissement de la navigation, 1663
(Il est du côté des miroirs.)
Le peintre, voulant exprimer ce que le roi a fait pour rétablir la marine et la navigation depuis longtemps négligées dans son royaume, a représenté ce prince un trident à la main. Un marinier transporte devant lui des marchandises sur des vaisseaux qui sont au port, l’Abondance est derrière son trône, et des corsaires turcs sont à ses pieds, trois circonstances qui / p. 70 / marquent trois choses : les sociétés établies pour le commerce des Indes, les richesses que la navigation a apportées dans le royaume, et la mer rendue libre par la défaite des pirates.
/ p. 71 / Neuvième tableau
Réformation de la Justice, 1667
(Il est du côté des fenêtres.)
Le sujet de ce tableau est l’ordonnance de l’année 1667, qui contient les sages règlements faits pour le retranchement des procédures inutiles, que la malice des plaideurs avait inventées, et qui rendaient les affaires immortelles. Le roi est représenté sur son trône, le sceptre à la main, donnant le livre de ses ordonnances à des juges, qui sont debout devant / p. 72 / lui. La Justice à ses côtés tient d’une main des balances et de l’autre un faisceau de verges, symbole de l’autorité souveraine, et la Chicane, figurée par une vieille femme sèche et hideuse, est renversée sous le trône, où elle dévore des sacs de papiers comme le seul bien qui lui reste.
/ p. 73 / Dixième tableau
Paix faite à Aix-la-Chapelle, 1668
(Il est à la clef de la voûte.)
La guerre qui avait été entreprise pour les droits de la reine se termina par la paix d’Aix-la-Chapelle, où le roi, se réservant les places qu’il avait conquises dans les Pays-Bas, voulut bien rendre la Franche-Comté et se contenter de la gloire d’avoir subjugué cette grande province en moins d’un mois. On voit par là que le peintre a eu raison de placer ce tableau im- / p. 74 / médiatement après celui de la première guerre contre les Espagnols. Le roi est debout offrant une branche d’olivier à l’Espagne, qui semble la recevoir avec empressement. La Franche-Comté, déjà toute dévouée à la France, paraît de l’autre côté sous la figure d’une femme à genoux, et affligée de ce que son bonheur dure si peu. La Victoire est en l’air au-dessus du roi qu’elle couronne de fleurs, et la Renommée vole devant lui, pour faire entendre partout la nouvelle d’une paix si nécessaire à toute l’Europe.
/ p. 75 / Onzième tableau
L’ordre rétabli dans les finances, 1662
(Il est du côté des miroirs.)
Lorsque le roi prit la conduite de son royaume, sa première occupation fut de pourvoir à l’administration de ses finances et de réformer les abus qui s’y étaient glissés, comme la peinture l’explique ici à sa manière. Ce prince, à qui la France vient de remettre le gouvernail entre les mains, semble écouter les plaintes qu’elle lui fait de la dissipation des choses les plus / p. 76 / nécessaires à l’État ; et Minerve, représentant la sagesse du roi, poursuit l’épée à la main des Harpyes qui s’envolent, et qui laissent tomber des sacs pleins d’argent qu’elles voulaient emporter : vrai symbole des poursuites qui furent faites en ce temps-là contre ceux qui s’étaient enrichis par des voies injustes, aux dépens du roi et du public. Le roi tient une clef d’or pour faire connaître qu’il veut être lui-même le dispensateur de ses trésors, et la Fidélité paraît sur le devant du tableau, un livre de comptes et une règle à la / p. 77 / main, comme pour montrer qu’elle va prendre la place de l’avarice.
/ p. 78 / Douzième tableau
Protection accordée aux beaux-arts, 1663
(Il est du côté des fenêtres.)
Les bienfaits du roi se sont répandus généralement sur tout ce qu’il y a de génies un peu élevés au-dessus des autres, en quelque profession que ce soit. Aussi voit-on les beaux-arts fleurir dans ses États et se perfectionner de jour en jour. La peinture, qui est si redevable à ce grand prince, ne pouvait pas oublier un si bel endroit de son règne, et voici de quelle façon / p. 79 / elle l’a traité. Le roi est assis, et Minerve est debout à côté du trône. L’Éloquence se prosterne devant lui et semble prendre la parole pour le remercier de cette glorieuse protection qu’il a si généreusement accordée aux Sciences et aux Beaux-Arts, que l’on voit derrière elle, et qui viennent en foule rendre hommage à leur illustre bienfaiteur.
/ p. 80 / Treizième tableau
Acquisition de Dunkerque, 1662
(Il est à la clef de la voûte.)
On voit dans ce bas-relief la France assise sur un trône, et l’Angleterre devant elle recevant de l’argent, qu’elle fait mettre dans des coffres. C’est la Piété du prince, qui le distribue, pour faire connaître combien elle a eu de part à cette acquisition, à laquelle le roi a été particulièrement porté par le déplaisir qu’il avait de voir une ville catholique sous une puissance opposée à la religion qu’il professe. Cette ville / p. 81 / est à genoux et présente ses clefs à la France, qui lui tend la main et qui semble la retirer des bras de l’Hérésie, peinte au même endroit avec un bandeau sur les yeux et des livres en confusion autour d’elle, pour marquer et son aveuglement, et le peu d’ordre qu’il y a dans sa doctrine.
/ p. 82 / Quatorzième tableau
Établissement de l’hôtel royal des Invalides, 1674
(Il est du côté des miroirs.)
Le roi ne pouvait rien faire de plus grand, ni qui fût plus digne de lui, que d’assurer une retraite à ceux qui ont été, pour ainsi dire, les compagnons de ses victoires, et que leur âge, ou leurs blessures, ont mis hors d’état de le pouvoir servir plus longtemps. Il leur a donc fait bâtir une maison magnifique aux portes de la capitale de son royaume, et à la vue même du / p. 83 / Louvre. C’est là que ces vaillants hommes et tous ceux qui à l’avenir auront, comme eux, vieilli dans la guerre ou perdu quelqu’un de leurs membres en combattant pour 1’État, doivent être nourris et entretenus tout le reste de leurs jours. C’est ce que le peintre a voulu exprimer dans ce tableau. La Piété du prince, assise sur un trône, donne un collier de Saint-Lazare à un officier. Elle a auprès d’elle une corne d’abondance, d’où il sort des fruits et des pièces d’or et d’argent ; et Minerve, déesse des beaux-arts, lui montre le plan du superbe édifice des Invalides.
/ p. 84 / Quinzième tableau
Ambassades envoyées des extrémités de la terre
(Il est du côté des fenêtres.)
Si la magnificence et la bonté du roi éclatent dans le tableau précédent, sa gloire ne paraît pas moins dans celui-ci. L’on peut même dire que rien n’en donne une plus haute idée que ces hommages solennels que les nations les plus éloignées lui ont rendus et lui rendent encore tous les jours par leurs ambassadeurs, bien moins pour aucun intérêt d’État ni de politique que / p. 85 / pour avoir quelque part à l’amitié de ce prince, et afin de s’instruire par elles-mêmes des merveilles de son règne auguste. Le Grand Seigneur, le roi de Maroc et le grand-duc de Moscovie ont montré l’exemple aux autres puissances de l’Asie et de l’Afrique. On reconnaît ici leurs ambassadeurs, et le peintre a heureusement exprimé sur des visages tout différents un même sentiment de respect et de vénération pour la majesté de la France et pour la grandeur de son monarque.
/ p. 86 / Seizième tableau
La police et la sûreté rétablies dans Paris, 1665
(Il est à la clef de la voûte.)
C’est encore ici une de ces choses que l’on avait inutilement tentées sous les règnes précédents, et qu’on ne peut assez louer en celui-ci. Les vols et les brigandages régnaient dans Paris depuis longtemps, et il semblait impossible d’y remédier, en une ville si étendue, si peuplée et où l’on aborde à toute heure de tous les endroits du monde. Cependant cela a été heureu- / p. 87 / sement exécuté de nos jours. Paris jouit aujourd’hui, au-dedans et au-dehors, d’une aussi grande tranquillité que toutes les autres villes du royaume ; et c’est ce que l’on a voulu faire voir dans ce bas-relief. La Sûreté y est représentée assise à côté de la Justice. Elle tient une bourse ouverte, et elle s’appuie sur un faisceau de verges pour montrer qu’elle se soutient principalement sur l’autorité des magistrats. L’on voit dans l’éloignement des soldats qui font le guet, et d’autres qui poursuivent des voleurs.
/ p. 88 / Dix-septième tableau
Renouvellement d’alliance avec les Suisses, 1663
(Il est du côté des miroirs.)
Cette alliance, qui a commencé sous Louis XI, s’est ainsi renouvelée de temps en temps. Les Suisses envoyèrent pour ce sujet en l’année 1663 une célèbre ambassade en France, et cette cérémonie, qui ne s’était point vue depuis l’année 1602, sous le règne d’Henri IV, se fit avec de grandes solennités dans l’église de Paris, où le roi et les ambassadeurs des can- / p. 89 / tons renouvelèrent leurs serments au pied des autels. On en revoit une image dans ce tableau. La France, couverte d’un manteau royal, tend la main à ces anciens alliés de la couronne, qui font paraître sur leurs visages combien ils sont sensibles à l’honneur qu’ils reçoivent.
/ p. 90 / Dix-huitième tableau
Jonction des deux mers
(Il est du côté des fenêtres.)
L’exécution de ce grand dessein est figurée par cet emblème. Neptune et Thétis se donnent la main, l’un représentant l’Océan, l’autre la mer Méditerranée. Neptune a une baleine auprès de lui, parce qu’il ne se trouve des baleines que dans l’Océan, et l’on voit un dauphin près de Thétis, parce que la Méditerranée est pleine de dauphins. Cette mer est encore désignée par une rame / p. 91 / qui est le symbole de la navigation, qui lui convient le mieux. Sous le règne de Charlemagne, on tenta inutilement une pareille jonction par le Rhin et par le Danube. François Ier la voulut faire en France, au même endroit où on l’a faite aujourd’hui ; mais son travail fut bientôt interrompu, et l’exécution en était réservée au siècle de Louis le Grand.
/ p. 93 / Explication des tableaux du salon de la Guerre
Les deux salons sont carrés sur la largeur de la galerie, et de même décoration, éclairés chacun de six croisées en retour et / p. 94 / ornés de quatre portes, dont il y en a trois remplies de glaces de miroirs.
Dans le salon de la Guerre, les ornements de la frise sont des trophées, des foudres et des boucliers. Il y a quatre grands trophées de métal doré sur les portes, au-dessous desquels des masques et des festons différents représentent les quatre saisons de l’année, pour montrer que le roi a fait la guerre en tout temps. Cinq tableaux, dans de riches bordures de lauriers et de palmes, occupent toute la voûte, un dans la coupe en haut / p. 95 / du salon et les quatre autres dans les cintres. On a mis dans les angles, entre deux trophées en relief de stuc doré, des globes avec les armes et la couronne de France ; et au dessus on a peint des enfants qui sonnent de la trompette et qui soutiennent des cartouches à fond vert rehaussé d’or, ornés de la devise du roi.
Dans la coupe de ce salon, la France est peinte sur un nuage, tenant d’une main la foudre et de l’autre un bouclier sur lequel est l’image du roi, pour faire entendre que c’est / p. 96 / lui qui la rend victorieuse de ses ennemis et qui la met à couvert de leurs efforts. Elle est environnée d’un cercle de Victoires, qui marquent chacune quelqu’un des grands succès des dernières guerres, mais particulièrement les avantages remportés sur l’Allemagne. Les unes tiennent des tableaux où sont peints la plupart de ces succès, avec des inscriptions qui les font connaître. Les autres portent comme en triomphe des étendards où sont les armes de Brandebourg, de Luxembourg et de Lorraine. Celle-ci tient une couronne de laurier / p. 97 / et des palmes. Celle-là porte un trophée, et par celle qu’on voit tranquillement assise sur des armes, avec l’écusson de Strasbourg, on a voulu marquer la prise de cette ville, et on lui a mis une branche d’olivier à la main, pour montrer la manière paisible dont Strasbourg fut réduite. Le cercle finit par une Victoire qui paraît chargée de la dépouille des chefs des ennemis.
Sur le cintre opposé aux appartements du roi, on a représenté Bellone en fureur, dans un char traîné par des chevaux fougueux qui fou- / p. 98 / lent aux pieds des armes et des hommes. Elle est précédée de la Rébellion, exprimée par un soldat menaçant qui élève une pique ; et derrière elle est la Discorde, qui, avec des flambeaux allumés, met le feu à des temples et à des palais. On voit à ses pieds la balance de Thémis, les vases sacrés, les autels et le feu du sacrifice renversés avec la Religion. La Charité s’enfuit tenant un enfant entre ses bras, et la terreur que la guerre répand partout est figurée par des hommes effrayés.
On a placé dans les trois au- / p. 99 / tres faces du salon de la Guerre les trois puissances qui s’étaient liguées contre la France. L’Allemagne, sur le cintre opposé à celui du tableau précédent, se couvre de son bouclier, et l’épée à la main se met en devoir de défendre la couronne impériale qu’elle a auprès d’elle ; mais l’épouvante la prend à l’aspect d’un des tableaux que tiennent les Victoires, où elle voit les Allemands repasser en foule le pont de Strasbourg : et la frayeur se communique à son aigle, qui a aussi les yeux tournés vers ce tableau. Un soldat élève l’étendard de l’Empire autour / p. 100 / duquel les trompettes sonnent l’alarme, comme pour assembler des troupes. Un autre soldat s’efforce de frapper avec sa pique ; et il y en a qui fuient, et d’autres qui sont morts ou renversés sous des canons, pour montrer les vains efforts que fit l’Allemagne dans les dernières guerres, la perte de ses soldats et la fuite de ses armées.
Au-dessus des fenêtres opposées à la galerie, on voit l’Espagne qui tient avec les deux mains une pique, dont elle menace la France, et son lion se dresse en rugissant. Mais on / p. 101 / remarque aisément la faiblesse de cette monarchie à l’étonnement et la fuite de ses soldats, entre lesquels celui qui porte le guidon de Castille paraît terrassé d’un coup de foudre. Plusieurs étendards de différentes couleurs expriment diverses puissances qui secoururent l’Espagne ; et pour marquer la résistance que firent quelques-unes de ses places fortes, on a mis sur le devant un mortier et sur le lointain des forteresses qui font feu de toutes parts.
La Hollande est peinte sur l’arcade de la galerie, dans / p. 102 / l’endroit le plus exposé aux éclats de tonnerre, qui partent du tableau de la coupe. Elle se couvre en vain de son bouclier. Un de ces éclats la renverse sur son lion, qui d’effroi laisse échapper de ses ongles la plus grande partie de ses flèches. Un soldat paraît à moitié dans l’eau sur le devant, avec l’étendard de Hollande. Près de lui, sur un vaisseau renversé dont les marchandises et l’équipage tombent dans la mer, on en découvre un autre tenant son bouclier et un sabre dont il menace aussi la France, qui le foudroie ; et de l’autre côté / p. 103 / on remarque plusieurs vaisseaux en feu et des hommes épouvantés : figure assez naturelle du déplorable état où la Hollande a été réduite pendant la guerre, de la perte de son commerce et de ses forces, et de la nécessité où elle se trouva de s’inonder.
/ p. 105 / Explication des tableaux du salon de la Paix
Au lieu des trophées, des boucliers et des foudres qui ornent la corniche du salon de la Guerre, ce sont en celui-ci des / p. 106 / branches d’olivier, des épis de blé, des bouquets et des couronnes de fleurs. Sur les quatre portes on a mis, pour couronnement, des vases avec des enfants qui soutiennent des festons et des trophées de musique ; et au-dessous, des têtes de muses, avec des instruments des arts libéraux. Les bordures des tableaux de la voûte sont des tissus de fleurs et de fruits environnés de branches d’olivier ; et dans chacun des angles est une lyre, et une couronne de France dessus, entre deux caducées, avec deux cornes d’abondance. Plus haut, dans des car- / p. 107 / touches soutenus par des amours qui tiennent des sceptres et des couronnes, on a peint les armes de France entourées de festons de fleurs et de fruits.
La France paraît à la coupe de ce salon, assise sur un globe, dans un char porté sur un nuage. La Gloire est un peu au-dessus, qui la couronne du cercle de l’immortalité, et la Paix se présente à elle, le caducée à la main, pour recevoir ses ordres. De l’autre côté, l’Abondance tire des festons d’une corbeille qu’un Amour soutient, pendant que / p. 108 / deux autres petits amours assemblent sous le joug chacun deux tourterelles attachées au char. Elles ont des médailles pendues au cou, en l’une desquelles sont les armes de France et de Bavière, et en l’autre les armes de France et de Castille, pour désigner le mariage de Monseigneur le Dauphin avec la princesse de Bavière, et celui de Mademoiselle avec le roi d’Espagne. Le mariage de Mademoiselle d’Orléans avec le duc de Savoie est figuré par un autre Amour, tenant aussi deux tourterelles assemblées, qu’il vient mettre sous un troi- / p. 109 / sième joug et qui portent sur des médailles les armes de France et de Savoie. L’Hyménée, accompagné des Grâces auprès du char, attache à son flambeau des festons de fleurs qui tiennent au joug des tourterelles. L’Allégresse publique, sous la figure d’une agréable bacchante, jouant des castagnettes et d’un tambour de basque, se fait remarquer plus bas avec l’amour du plaisir, qui joue d’une cymbale antique. La Concorde, couronnée de fleurs, poursuit la Discorde, qui trébuche avec l’Envie. La Religion accompagnée de l’Innocence brûle de / p. 110 / l’encens sur un autel, au bas duquel on voit l’Hérésie renversée avec son masque et ses livres, et la Magnificence est figurée par une femme, aux pieds de qui l’on aperçoit les instruments des arts parmi des cornes d’abondance, d’où sortent des sceptres et des couronnes, avec des fleurs et des fruits. Elle montre à la France de superbes plans d’édifices.
L’Europe chrétienne en paix est le sujet du tableau de dessus les appartements de la reine. Elle est représentée assise, tenant une corne d’a- / p. 111 / bondance et une tiare ; et les dépouilles de l’Empire ottoman sont à ses pieds, pour montrer que c’est la paix que la France lui a donnée qui l’a mise en état de triompher des Infidèles. D’un côté la Justice l’accompagne avec une étoile sur la tête, symbole de son origine ; et l’on voit le rétablissement des arts représenté par un grand nombre de jeunes enfants qui s’occupent à différents exercices que les troubles avaient interrompus. De l’autre côté, pour exprimer que les profanations de la guerre sont cessées, on a peint la Piété, qui élève une casso- / p. 112 / lette vers le ciel et qui présente à un enfant une bourse ouverte. Un autre enfant, à genoux au pied d’un autel antique, marque le zèle de la Religion ; et l’on découvre un temple dans le lointain sous de grands arbres, image de la désolation des monastères, que la guerre avait rendus déserts, et que la paix a repeuplés.
Au-dessus des fenêtres opposées à la galerie, l’Allemagne, appuyée sur un globe, regarde la Religion, qui est dans la coupe et tend la main en même temps à un jeune en- / p. 113 / fant qui lui apporte une branche d’olivier en signe de paix, et une branche de laurier pour les victoires qu’elle a remportées sur les Infidèles. Ses peuples remercient le ciel de ces deux présents et lui offrent en sacrifice les dépouilles des Turcs. Il y en a un trophée élevé dans un des coins du tableau ; et près de là est un jeune soldat qui tient le célèbre étendard de Mahomet, gagné par le roi de Pologne. De l’autre côté, près de l’aigle de l’Empire, deux enfants apportent d’autres dépouilles, et le contentement de cette nation est exprimé / p. 114 / par un autre enfant qui tient un verre plein de vin, et par des hommes et des femmes à table qui lèvent leurs gobelets aux fanfares des trompettes et des musettes, et au bruit de l’artillerie et des feux d’artifice. On voit encore d’autres génies qui se jouent avec des armes et qui en jettent dans le feu.
L’Espagne est représentée à genoux, dans le tableau de dessus l’entrée de la galerie, levant les yeux et les mains au ciel, d’où elle reçoit aussi une branche d’olivier qu’un Amour lui présente. Son lion / p. 115 / est tranquille auprès d’elle, et des enfants attisent un grand feu dans lequel ils jettent des armes et des étendards. La joie de l’Espagne est exprimée par des danses et par des feux d’artifice. Un enfant, à demi couché sur un canon, chante au son de la guitare, et un autre se joue avec des armes qui sont par terre, parmi des instruments de musique.
Dans le milieu du tableau, qui est opposé aux appartements de la reine, la Hollande à genoux reçoit sur son bouclier des flèches qu’un Amour lui apporte, avec des / p. 116 / branches d’olivier, symbole des provinces que le roi avait conquises sur elle et de la paix qu’il lui a donnée. Son lion, avec lequel deux enfants se jouent, paraît dépouillé de tout ce qu’il avait de farouche. Ses magistrats à genoux rendent grâce au ciel, et le rétablissement de son commerce est marqué par ses peuples, qu’on voit occupés ou à construire, ou à équiper des vaisseaux et à les charger de marchandises.
Voilà un léger crayon des peintures de la galerie de Versailles et de ses deux salons. / p. 117 / L’ordre qu’on a reçu de se borner, en les expliquant, à une simple exposition du sujet et de l’ordonnance, n’a pas permis de s’étendre ni sur les grâces du coloris, ni sur la noblesse des expressions, ni sur la force et sur la grandeur du dessein. Et d’ailleurs le discours n’aurait pu donner qu’une faible idée de toutes ces grandes parties de l’art de peindre qui sont ici dans le plus haut degré de perfection. Il faut les voir dans ces excellents tableaux pour en reconnaître toutes les beautés.
Rainssant Garde des Médailles de Sa Majesté
Auteur : Nicolas Milovanovic
© Coproduction RMN – EPV, 2008